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Emmanuel Nunes (1941 - /)

 

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Entre Boulez et Stockhausen, Emmanuel Nunes propose une nouvelle perception de l’œuvre d’art : il l’a conçoit en tant qu’organisme vivant. S’il suivit studieusement les séminaires de Pousseur sur les techniques électroniques à Darmstadt et l’enseignement de Stockhausen à Cologne, Nunes fonde son art dans l’œuvre de Bach, des « trois viennois » du début du XX° siècle et de Penser la musique aujourd’hui de Pierre Boulez (1963), devenant aujourd’hui l’un des principaux représentant de la musique contemporaine.

 

Lisbonne

 
Emmanuel Nunes est né le 31 août 1941 à Lisbonne. Il découvre son premier opéra Hänsel und Gretel de Humperdinck à l’âge de quinze ans avec un tel émerveillement que jusqu’à son départ du Portugal en 1964, il ne manqua jamais un seul opéra donné au théâtre Sao Carlos. En se constituant une culture aussi spécifique, il put être présent à la première exécution de Wozzeck de Berg (Lisbonne, 1959) et voir le Pelléas et Mélisande de Debussy avec la mise en scène, décors et costumes de Jean Cocteau (1962).

Il commence ses études de solfège et de piano à l’âge de quatorze ans et en 1959, il suit les cours d’harmonie, de contrepoint et de fugue avec Francine Benoit à l’Académie des Amateurs de Musique. Plus tard, il reçoit des leçons particulières de Fernando Lopes-Graça ; de 1961 à 1963, il suit également des cours de philologie germanique et de philosophie grecque à l’Université de Lisbonne. Entre 1963 et 1965, il suit les cours de Darmstadt pendant lesquels les classes d’Henri Pousseur sur la musique électro-acoustique et de Pierre Boulez sur l’histoire de l’orchestre ont une importance déterminante dans sa formation.

Il se fixe pendant une année à Paris (1964) et se prépare seul aux cours qu’il suivra à l’Ecole Supérieure de Musique de Cologne. Nunes étudie alors la fugue (à partir du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach), analyse Webern, Berg (Wozzeck) et Stravinsky (le Sacre du printemps), et effectue une étude très poussée de l’ouvrage de Pierre Boulez, Penser la musique aujourd’hui.
 

En 1965 et ce pendant deux années, il étudie la composition avec Pousseur, la phonétique avec George Heik (qui le pousse à prendre contact avec l’équipe acoustique du Forschunginstitut für Deutsche Sprache de Marburg) et la musique électronique avec Japp Spek. Toutefois, l’un des cours les plus marquants est celui de Stockhausen sur son œuvre Momente.

De retour à Paris en 1970, il obtient l’année suivante le Premier Prix d’Esthétique du Conservatoire National Supérieure de Musique et de Danse de Paris dans la classe de Marcel Beaufils (1971) ; il prépare aussi une thèse de doctorat, restée inachevée, sur la Deuxième Cantate de Webern. Deux ans plus tard, il devient boursier du ministère de l’Education nationale du Portugal (1073-1974) et de la Fondation Gulbenkian (1976-1977) et est invité par le Deutscher Akademischer Austauch Dienst (DADD) de Berlin comme compositeur en résidence (1978-1979).

 

Durant cette première période de sa vie, Nunes compose de nombreuses œuvres : Degrés (pour quatuor à cordes, 1965), Litanies du Feu et de la Mer (pour piano, 1969-1971), Purlieu (pour 21 cordes, 1970), Dawn Wo (pour 13 instruments, 1971), Impromptu pour un voyage (pour trompette, flûte, alto et harpe (1973), Es Webt (1973-1975), Oeldorf 75 (1975), The Blending Season (pour flûte, violon, clarinette, orgue électronique et 4x2 modulateurs, 1973), Nachtmusik (1973), Ruf (1975-1977), Cheesed (pour orchestre, 1979).

Nombre de ces œuvres sont des commandes de diverses institutions, tels la Fondation Calouste Gulbenkian, Radio France, le Ministère français de la Culture, et sont présentées lors des festivals de Royan ou de Donaueschingen et de Flandres.

Nunes regroupe ses compositions en « deux cycles traversés chacun par un même matériau musical. Le lieu du premier de ces cycles, comprenant un grand nombre de pièces composées de 1973 à 1977 est l’utilisation d’une anagramme composée de quatre notes. L’élément persistant du deuxième cycle intitulé La Création, commencé en 1977 avec Nachtmusik et s’achevant avec, est ce que Nunes nomme « paire rythmique », qui s’applique au phrasé rythmique, à la métrique, aux intervalles et à la spatialisation. » (Laurent Feneyou, Ircam – Centre Pompidou)

 

L’Allemagne :

       

Depuis 1979, Emmanuel Nunes partage sa vie entre Paris et Oeldorf, près de Cologne. Il dirige les Séminaires de Composition organisés par la Fondation Calouste Gulbenkian (1981), participe à des conférences à l’Université de Harvard ou encore à un séminaire sur l’Attitude Instrumentale organisé dans le cadre de l’Ircam-Ari et sur l’initiative de Pierre-Yves Artaud (1985).

1985 est une grande année : Ruf est donné pour la première fois en Italie à l’occasion de la Biennale de Venise, et Ti, ereth – une commande d’EBU – est crée à Paris et retransmit sur plus de vingt postes de radio. L’année suivante est également importante puisqu’il dirige deux séminaires aux Cours d’été de Darmstadt, et son œuvre Wandlungen, écrite pour un groupe instrumental et live-electronics, est donnée en concert lors des Journées Musicales de Donaueschingen.

Emmanuel Nunes mène également une vaste activité pédagogique en étant responsable d’une chaire de composition à l’Ecole Supérieure de Musique de Fribourg (1986-1992) et professeur de composition au Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris (1992-2006). 

Il reçut également de nombreuses récompenses, comme le titre de Comendador da Ordem de Santiago da Espeda que lui attribua le président de la république portugaise (1991), le prix Cim de l’Unesco (1999), le prix Pessoa (2000) et est nommé Docteur Honoris Causa de l’Université de Paris VIII.

 

Durant ces années, toujours de nombreuses œuvres : Musik der Frühe (pour 18 instruments, 1980-1984), Stretti (pour deux orchestres, 1982-1983), Grund (1982-1983), Ductus (pour orchestre de chambre, 1986), Quodlibet (pour 28 instruments, six percussionnistes et orchestre, 1990-1991), Rubato, registres et résonances (pour flûte, clarinette en la, 1991), Lichtung II (pour ensemble électronique, 1996-2000), Improvisation I – für ein Monodrama (pour ensemble, 2000), Improvisation II – Portrait (pour alto, 2003). Parmi ses dernières création, il faut retenir les Epures du Serpent vert (titré de son opéra en cours Das Märchen, 2004) et Lichtung III (pour ensemble et électronique, 2007).

 

Esquisses d’un nouveau mode de pensée :

       

Nunes regroupe ses opus en deux cycles. Toutefois, sa collaboration au sein de l’Ircam lui permet d’obtenir une technologie pointue en matière de spatialisation et de temps réel, deux paramètres phares de son écriture. « Il explore tous les moyens de dissémination du son, d’encerclement de l’auditeur, par le placement des instruments et le déplacement des interprètes dans l’espace, jusqu’à la diffusion assistée par ordinateur. Il utilise de manière virtuose les outils électroniques pour concrétiser une pensée musicale luxuriante, travaillant sur un contrepoint interactif entre partition instrumentale et programmation informatique. » (Laurent Feneyou, Ircam – Centre Pompidou)

Cependant, en plus de toutes ces innovations, Emmanuel Nunes recourt fréquemment à des modèles, des empreints musicaux. Par exemple, The Blending Season et Rubato sont influencés par l’invention en fa mineur de Bach. Il empreinte aussi aux romantiques, de Schubert à Mahler, donnant ainsi 73 Oeldorf 75 qui fait entendre des extraits de la Belle Meunière (Die Schöne Mullerin), du Quintette à cordes D. 956 et de la Sonate pour piano D. 960 de Schubert, ou encore Ruf, troublant par ses parcelles venues du Chant de la Terre (Das Lied von der Erde) de Mahler.

D’autres allusions peuvent également être faites à des compositeurs plus récents voire même contemporains, Schoenberg, Varèse ou Stockhausen, ou alors aussi à des auteurs littéraires. Ainsi Improvisation II – Portrait tire son influence de Dostoïevski, « qui énonce le portrait du personnage en creux de la nouvelle, non de la narration, les sinuosités de l’intrigue, mais une intériorité, un monde propre. » (Laurent Feneyou, Ircam – Centre Pompidou)

   

Attention soutenue à l’espace musical, résonances, combinatoire complexe, utilisation de notes pivots, de lignes et de blocs harmoniques, développement horizontal, spatialisation assistée par ordinateur en temps réel, tel est le langage musical déployé par Emmanuel Nunes.

Aujourd’hui, il vit de nouveau en France, mais en perdant jamais le lien avec son pays natal, où son travail est suivi de très près.


                                                                                                                                                       

 

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