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Achille Debussy (1862 - 1918)

 

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Debussy fut un compositeur radical qui bouleversa complètement le cours de l’histoire de la musique. En éradiquant les traditions et les règles de ses prédécesseurs, il a crée un nouveau langage, qualifié par ses contemporains d’impressionniste, tant par sa richesse novatrice dans les domaines d’harmonie, de sonorités, de couleur, de rythme et de forme. Ses œuvres ont laissé une trace indélébile dans la musique dont l’on commence seulement depuis quelques années à en saisir la portée.

 

Débuts prometteurs :

Debussy n’est pas issu d’une famille de musiciens mais du milieu commerçant. Son père Manuel Achille Debussy et sa mère Victorine Joséphine Sophie Manoury tenaient une boutique de porcelaines à Saint-Germain-en-Laye. Le jeune Debussy, de son prénom Achille Claude, naît le 22 août 1862. Un mystère entoure sa naissance et même une légende sur une illégitimité probable prit forme. Il ne fréquenta pas d’écoles et s’il devint un homme cultivé par la suite, c’est qu’il développa lui-même ses connaissances, notamment aux contacts d’hommes de « culture ».

Enfant, le jeune Achille Claude était souvent confié à sa tante Octavie de la Ferronnière, chez laquelle il connut l’élégance et l’opulence. Grâce à elle, il découvrit Cannes où il prit ses premières leçons de piano, sous l’œil attentif d’un vieux professeur italien, Cerutti.

En 1870, la guerre fait rage, et l’on ne sait pas bien ce qu’il advint durant cette période. Il rencontra néanmoins Madame Manté de Fleurville (ancienne élève de Chopin) qui fut impressionnée devant les dons musicaux de l’enfant. « Il faut que ce garçon soit musicien ». Aussi se chargea-t-elle de son éducation musicale, gracieusement, sans déplaire aux parents.

Elle lui enseigna les rudiments de la technique pianistique si bien qu’en moins de deux ans, il présenta le concours d’entrée au Conservatoire de Paris. En 1872, il était admis dans la classe de solfège d’Albert Lavignac, et l’année suivante dans la classe supérieure de piano d’Antoine Marmontel à seulement l’âge de onze ans. Son enseignement dura douze années au sein du Conservatoire et il eut même la chance d’être l’élève de César Franck dans la classe d’orgue.

 

Un jeune compositeur :

La situation de Claude Debussy au début des années 1880 n’est guère reluisante. Marmontel lui fit alors une proposition intéressante : l’offre émanait de Madame von Meck, la protectrice de Tchaikovsky, qui recherchait un bon pianiste pour les vacances, pour assumer les charges de professeur de piano, d’accompagnateur et d’exécutant. Il était également entouré d’un violoniste (Vladislav Pachulsky) et d’un violoncelliste (Piotr Danilchenko), et à eux trois formèrent le « trio von Meck » pour lequel Debussy aurait peut-être composé un trio.

En 1880, il reprit les cours au Conservatoire, dans la classe d’Ernest Guiraud ; celui-ci apporta beaucoup au musicien en herbe étant un excellent technicien de l’instrumentation. Mais il doit également subvenir à ces besoins matériels, et pour cela devient l’accompagnateur du cours de chant de Mme Moreau-Sainty. Il relance également Mme von Meck pour l’été 1881 mais comme elle avait déjà retenu un pianiste et qu’elle ne voulait pas le repousser, il partit pour la Russie au mois de juillet. Il y restera quatre mois, et un voyage à Rome terminera ce séjour au sein de la famille von Meck. L’été suivant, il retournera en Russie puis les accompagnera à Vienne ; à cette occasion il verra Richard Wagner.

Au Conservatoire, Debussy travaille beaucoup, mais poursuit ses recherches dans les accords et leurs enchaînements. Cette période où il se cherche va durer une dizaine d’années. Il prépare les concours du Conservatoire et même celui du prix de Rome, sous les encouragements des Vasnier. Après deux échecs au prix de Rome, il s’y présente une nouvelle fois en 1884 : « Vous avez le prix !... Que l’on me croie ou non, je puis néanmoins affirmer que toute ma joie tomba ! Je vis nettement les ennuis, les tracas qu’apporte le moindre titre officiel. Au surplus, je sentis que je n’étais plus libre. »

 

La période bohème :

Janvier 1885 : Claude Debussy arrive à Rome. Ce séjour lui sera très pénible et plus d’une fois il faillit abandonner, mais c’était sans compter avec le soutien des Vasnier. Toutefois, il fit quelques belles rencontres, avec Leoncavallo qui l’introduit auprès de Boïto, et Franz Liszt qui vient à la Villa Médicis. Ce sera à peu près les seuls événements que Debussy évoquera lorsqu’il parlera de son séjour romain. Il abrègera d’ailleurs son séjour romain refusant obstinément l’académisme de cette institution.

Durant leurs séjours, les lauréats doivent envoyer plusieurs de leurs travaux à l’Institut. A Rome, Debussy se cherche toujours : « Je me trouve dans l’obligation d’inventer de nouvelles formes. Wagner pourrait me servir, mais je n’ai pas besoin de vous dire combien il serait ridicule même d’essayer (…) Je croix que je ne pourrai jamais enfermer ma musique dans un monde trop correct… J’aimerais mieux une chose où, en quelque sorte, l’action soit sacrifiée à l’expression longuement poursuivie des sentiments de l’âme. Il me semble que, là, la musique peut se faire plus humaine, plus vécue que l’on peut creuser et raffiner ses moyens d’expression ».

Le premier envoi que fit Debussy à l’Institut est une « ode symphonique », Zuleima tirant ses sources de l’Almanzor de Heine. Le rapport de l’Académie fut fortement désapprobateur : « M. Debussy semble aujourd’hui tourmenté du désir de faire du bizarre, de l’incompréhensible, de l’inexécutable ». Le second envoi fut inspiré de la Primavera de Botticelli et cela a pour titre « le Printemps » ; l’Institut ne l’accueillit pas plus chaleureusement trouvant que la musique poussait à l’impressionnisme. Quant au troisième envoi, la postérité s’en est souvenue (il s’agit de la Damoiselle élue), mais la quatrième ne fit aucunement l’unanimité, également par Debussy lui-même (la Fantaisie pour piano et orchestre).

Comme le veut la tradition, les œuvres du lauréat devaient être représentées à la fin de son séjour. En 1889, Debussy fit exception à la règle : comme les membres de l’Institut refusaient toute interprétation du Printemps et que le compositeur ne démordait pas de l’inscrire au programme, il interdit tout simplement le concert et ne participa pas à la remise des Prix. C’est ainsi que Debussy s’affranchit de tout devoir et de toute attache. Aussi, les années qui suivirent sont qualifiées de Bohème, et l’on ne sait ni où ni comment vivait Debussy.

 

Après ce dégagement de responsabilité, Debussy cherche à se faire éditer : il va à Londres et Vienne, mais revient avec des échecs. Seule compensation : à Vienne il y rencontre le vieux Brahms.

Années de bohème, années amoureuses : le jeune musicien enchaîne les conquêtes féminines. Gaby, Catherine Stevens, une cantatrice, une femme du monde, Camille Claudel… tombèrent dans ses bras.

Claude approche la trentaine et traverse une période de crise. En plus de s’être dégagé de ses activités officielles vis-à-vis de l’Institut, il prit en aversion tous les milieux musicaux et se mit à davantage fréquenter les milieux littéraires et avec eux Gide, Claudel, Pierre Louÿs, Henri de Régnier.

1889 toujours : Debussy découvre un univers musical qui va le bouleverser et le pousser à entreprendre un nouveau langage qui n’obéit pas aux règles académiques. C’est la musique des traditions extra-orientales, javanaise et annamite : « Cependant la musique javanaise observe un contrepoint auprès duquel celui de Palestrina n’est qu’un jeu d’enfant. Et si l’on écoute, sans parti pris européen, le charme de leur percussion, on est bien obligé de constater que la nôtre n’est qu’un bruit barbare de cirque forain (…) Chez les Annamites on représente une sorte d’embryon de drame lyrique, d’influence chinoise, où se reconnait la forme tétralogique : il y a seulement plus de dieux, et moins de décors… une petite clarinette rageuse conduit l’émotion ; un tambour organise la terreur… et c’est tout… Rien qu’un instinctif besoin d’art, ingénieux à se satisfaire… »

La musique composée à cette période « bohème » évoque la fin de ses études et le début de sa carrière de compositeur. Il réalise en fait beaucoup d’ébauches pour des œuvres futures ; ainsi le Prélude, Interlude et Paraphrase finale pour l’Après-midi d’un faune et une Fantaisie pour violon solo avec accompagnement considérée comme une esquisse du Prélude et des Nocturnes. Parmi les véritables premières œuvres de cette période il est à relever les Ariettes oubliées, un recueil de six mélodies accompagnées au piano, la Petite suite pour piano à quatre mains, la Suite bergamasque pour piano et le Quatuor à cordes.

 

Premiers chefs-d’œuvres :

Debussy, en grand admirateur de Mallarmé avait formé le projet d’écrire une œuvre orchestrale en trois parties, à partir du célèbre poème A l’après-midi d’un faune. Le travail débuta en 1892 et ce ne fut qu’à la fin de l’été 1894 qu’il prit sa forme définitive. La création eut lieu le 22 décembre 1894 à la Société Nationale, sous la direction du chef d’orchestre Gustave Doret.

Debussy signe avec le Prélude à l’après-midi d’un faune son premier chef d’œuvre et sa première expérience majeure dans l domaine orchestral. L’œuvre crée un bouleversement de la sensibilité musicale. Le poète dira d’ailleurs du musicien : « son illustration ne présentait de dissonances avec mon texte, sinon d’aller bien plus loin, vraiment, dans la nostalgie et dans la lumière, avec finesse, avec malaise, avec richesse ».

1895 : malgré ses succès, Debussy et Gaby sont toujours dans le besoin : il donne quelques leçons de piano, de rares transcriptions, reçoit le soutien matériel de son beau-frère, le compositeur Ernest Chausson mais n’arrive qu’à subsister.

Debussy s’était entouré plus de littéraires que de musiciens. Parmi eux, une profonde amitié s’était liée avec Pierre Louÿs, auteur avec lequel il collabora pour trois mélodies des Chansons de Bilitis (1897). En 1900, criblé de dettes de toutes parts, Debussy accepte à contre cœur d’écrire une musique de scène pour adapter ses Chansons en une version « récitée et mimée ». Dans les dernières années du XIX° siècle, Debussy pense à se ranger et se marier. Son choix s’arrête sur Lily Texier et le mariage fut célébré le 19 octobre 1899, ce qui n’arrangea pas du tout les finances du compositeur.

Le 9 décembre 1900 sont crées, aux Concerts Lamoureux, les NocturnesNuages et Fêtes. L’œuvre, dont le manuscrit pour orchestre était achevé en 1897-1898 remporta un franc succès auprès du public et de la critique. Le nom de Debussy est enfin connu de tous. C’est d’ailleurs à cette époque que naquit le mythe de la « musique impressionniste ».

Suite aux succès des Nocturnes, le directeur de la Revue Blanche, sur la recommandation de Pierre Louÿs, lui proposa la rubrique musicale, que Debussy accepta. Après avoir écrit une série de huit articles, il créa le personnage de Monsieur Croche – tiré du modèle de Monsieur Teste de Paul Valéry – qui dénonçait les querelles artistiques du moment ; c’est dire si Monsieur Croche / Debussy avait conscience des problèmes musicaux de son temps. Toutefois, il se réservait d’y juger ses contemporains, préférant garder ses commentaires pour ses amis.

 

Le temps de Pelléas :

Pelléas et Mélisande est le seul opéra composé par Debussy. Pourtant, il en avait projeté une dizaine d’autres, tels que Rodrigue et Chimène, Axël (d’après l’œuvre de Villiers de l’Isle-Adam), le Diable dans le beffroi ou la Chute de la Maison Uscher (tirés de l’œuvre d’Edgar Poe). Certains furent esquissés sur le plan musical alors que d’autres n’ont pas dépassé le stade du livret.

Pelléas a mis un peu plus de dix ans pour élaborer son opéra, faisant des pauses pour d’autres œuvres, peaufinant ses recherches. Les répétitions furent difficiles et lors de la générale, l’œuvre fut mal reçue ; en revanche au fil des représentations, il sembla que le public s’y fut habitué. Mais il y avait quand même un scandale et qui dit scandale dit notoriété, donc succès. Et de ce fait, un nouvel éditeur, Jacques Durand, allait lui assurer davantage d’aisance.

Si Debussy s’était volontairement mis à l’écart des cercles musicaux, il ne pouvait se les mettre à dos. Aussi faisait-il parti du jury du Prix de Rome en 1903 et acceptait la rosette de la Légion d’Honneur (1904).

 

Toutefois, si Debussy sort victorieux dans son métier de musicien, il n’en est pas de même dans sa vie sentimentale, car Debussy entretient des relations suivies avec sa maîtresse, Emma. Bien évidemment, sa femme et tout le petit monde parisien apprend la nouvelle. Sa femme Lili divorce alors que Debussy est sur le point de devenir père, mais avec Emma. Un enfant est l’une des choses que Debussy souhaitait depuis longtemps et que Lili n’avait pu lui donner pour cause de stérilité.

 

Sur le plan musical, Debussy compose : en 1903 il entreprend la Mer, dont la création eut lieu le 15 octobre 1905 aux Concerts Lamoureux. Si Debussy avait révolutionné le chant et la déclamation avec Pelléas, il réinvente la technique musicale avec la Mer, plus précisément, il a mis au point un système de développement dans lequel l’exposition et le développement coexistent de manière ininterrompue permettant à la musique de se passer de tout système musical préétabli.

Quinze jours après la création de la Mer, Emma donne naissance à une petite fille, Claude Emma dite Chouchou. A Emma, Debussy dédiera les trois Chansons de France (1904), une de ses premières tentatives à renouer avec les formes classiques et/ou anciennes. Il élargira également son répertoire pianistique avec Images, deux recueils datant de 1905 et 1907. Il composera également les trois Images pour orchestre (Rondes de printemps, Iberia, Gigues), écrites entre 1907 et 1911.

Entre toutes ces pièces, Debussy s’essaie de nouveau à l’opéra, avec le Diable dans le beffroi et la Chute de la maison Uscher. Malheureusement pour nous aujourd’hui, Debussy en a détruit la majeure partie et de ces deux opéras, seuls ne subsistent que les livrets et un monologue pour la Chute de la maison Uscher.

Toujours dans le répertoire pour piano, Debussy se plonge dans le monde des enfants avec Children’s Corner (1908), pièces surprenantes et innovantes par leur texture musicale, qu’il dédie à sa petite Chouchou. Ensuite, c’est le temps des Préludes, dont la composition débute en 1908 et se termine en 1913 avec l’écriture d’un second Livre. Les Préludes sont avec le Prélude à l’après-midi d’un faune, l’œuvre la plus populaire de Debussy.

 

Les dernières années :

1910 : Debussy souffre des premières atteintes d’un cancer. En novembre, le compositeur français est sollicité pour se produire à Vienne et Budapest. Il reçoit dans la ville des grands classiques, une lettre de Gabriel Annunzio qui lui propose une collaboration pour un ouvrage sur le thème de Saint-Sébastien. Debussy fut très enthousiaste devant ce projet et composa le Martyre de Saint-Sébastien en moins de trois mois ; il s’agit d’une partition atypique, sorte de compromis entre la cantate, le drame lyrique et le ballet, qui ne fit malheureusement pas l’unanimité.

Trois ans plus tard, c’est Jeux, sur un argument de Nijinski pour les ballets russes qui fut représenté au Théâtre des Champs-Elysées le 15 mai 1913. La réaction du public ne correspondit malheureusement pas aux attentes de Debussy, frôlant l’indifférence. Entre ces deux grosses partitions notre Claude s’était replongé avec bonheur dans l’univers enfantin, suite à une proposition d’André Hellé pour un livret d’un « ballet pour marionnettes » : la Boîte à joujoux. Il terminera la partition pour piano mais abandonna le travail d’orchestration à André Caplet. La page pour orchestre sera créée après le décès du compositeur, le 10 décembre 1919.

 

1914 : première guerre mondiale et avec elle la montée du chauvinisme en France. Debussy n’y échappera pas, il suffit de lire ses correspondances pour s’en apercevoir. Ainsi, musicalement veut-il arborer les couleurs françaises. Pour cela, il compose la Sonate pour violoncelle (été 1915) destinée à prouver que « trente millions de Boches ne peuvent pas détruire la pensée française », et affirme son désir de revenir aux formes traditionnelles des Concerts de Rameau.

Son projet initial se compositeur de six Sonates. Seules trois furent achevées : la première pour violoncelle et piano, la seconde pour flûte, alto et harpe et la troisième pour violon et piano. Selon l’auteur, la quatrième sonate était prévue pour hautbois, cor et clavecin.

Parmi les dernières œuvres composées, En blanc et noir, une suite pour deux pianos, et les deux recueils des Douze Etudes pour piano (1915). Les Etudes faisaient partie d’une tradition musicale pédagogique à laquelle Chopin et Liszt avait donné ses lettres de noblesse. Debussy perdurera le flambeau et comme ses prédécesseurs, accordera une difficulté technique à chacun des Etudes.

En 1915, Debussy tombe malade, subit une opération mais se retrouve invalide à partir du mois de décembre. Il meurt le 16 décembre 1918 à Paris, jour anniversaire de la mort de Beethoven.

 

La pensée de Debussy est fascinante, sa vie et son œuvre font l’adhésion de tous. Ses découvertes appellent à un profond renouveau artistique : à travers le Prélude à l’après-midi d’un faune, il fait éclater la notion de forme musicale et avec la Mer, il crée carrément un nouveau concept formel, que l’on peut appeler « forme ouverte ». A lui seul, il a ouvert des perspectives musicales qui seront développées ultérieurement et qui n’en finissent pas d’être exploitées.

 

                                                                                                                                                                                                             

 

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