Accueil
Compositeurs
Hist. de la musique
Analyse
Liens
Partenaires
Contact

 

 

 

 

 

 

 

 

Maurice Delage (1879 – 1961)

 

                           

Musicien autodidacte, Maurice Delage a réussi à s’imposer auprès d’une élite culturelle (Maurice Ravel notamment) qui lui a permit de s’épanouir entre les recherches musicales de son époque et ses propres inspirations. Sa musique reflète en effet ses nombreux voyages en Orient, en Inde ou au Japon et se mêle avec sensualité à la tradition savante occidentale. Ses œuvres sont tour à tour orientales, recherchées, bouleversantes, graves… et sont surtout d’une grande qualité musicale. Elles le sont davantage si l’on songe qu’elles sont le témoignage d’une vie entière dévouée à la musique.

 

Charles Maurice Delage est né le 13 novembre 1879 à Paris. Enfant surdoué, il fut admis en classe de première à l'age de 12 ans. N'ayant pu obtenir une dispense pour la présentation du baccalauréat, il fut envoyé en 1891 en Angleterre où il apprit l'anglais et l'espagnol ; deux langues qu'il maitrisa jusqu'à la fin de sa vie. A son retour en 1895, il passa avec succès ses deux baccalauréats. En 1898, il entre dans une agence maritime puis rejoint une société de pêche à Boulogne sur Mer.

Dans les années 1900, Maurice Delage profite de la culture parisienne, se ballade à l'Exposition Universelle et découvre l'art japonais. En novembre 1900, il est appelé sous les drapeaux pour effectuer son service militaire (d'une durée de trois ans). Il fut réformé en avril 1901 en raison d’un astigmatisme hypermétropique

La fortune familiale le mettant à l'abri du besoin, Delage put laisser libre cours à ses aspirations. La musique entre enfin dans sa vie lorsqu'il fait l'acquisition d'un violoncelle. Autodidacte, sans aucune notion musicale, Delage commença son apprentissage. La musique l'entraine naturellement dans les salles de concert, et lors de la première de Pelléas et Mélisande de Debussy, il eut la révélation de sa vie.

 

                                                        

                                                                  Maurice Delage au piano

 

Si Delage doit à Debussy la découverte de la musique, il doit à Ravel son avenir de musicien. Il rencontre ce dernier chez un artiste peintre-musicien Paul Sordes en 1903 et très vite s'établit entre eux deux une relation basée sur un pied d'égalité. En 1911, Delage décide de partir en Extrême-Orient, afin de trouver les sources d'inspiration que ne lui procurait pas le continent européen. L'Orient était alors très en vogue depuis la fin du XIX siècle, et particulièrement depuis l'Exposition Universelle de 1900. Si ses dates de voyage ne sont pas connues avec précision, il semble qu'il soit parti de décembre 1911 à mai 1912.

Mais très vite arrive la Grande Guerre. Comme la plupart des artistes, Maurice se porta volontaire et fut vite réquisitionné. Il servit lors de nombreuses missions, dont Verdun où les conditions de vie précaires pesèrent sur sa santé. A partir de 1917, il alterne entre les soins à l’hôpital et le "travail" de guerre. Finalement, il finira par être réformé le 2 septembre 1918.

Durant ces premières années musicales, Maurice Delage étudie en autodidacte, fréquente des musiciens, s'intéresse à l'avant-garde artistique parisienne... Mais que nous laisse-t-il ? Quelques titres seulement en dix années : Conté par la mer (1908), Trois Mélodies (1910) et les Quatre Poèmes Hindous. Composés en 1914, ces poèmes représentent l'une des premières tentatives d'introduction de la musique de l'Inde dans la musique occidentale.

Les années passent et Maurice atteint ses 43 ans lorsqu'il rencontre Nelly Guérin-Desjardins. Le couple se marie le 30 janvier 1922 à Paris. A cette époque, Les Delage menèrent une vie facile, rythmée par le travail, les voyages, la natation, les séjours de vacances...

Cette même année 1922, Maurice intégra la Sacem, parrainé par le compositeur Gabriel Fauré et l'éditeur Jacques Durand. Un concert hommage lui fut rendu (1925) avec une interprétation de ses oeuvres dont Râgamâlika, Schumann, Trois Poèmes (1922), Quatre Poèmes Hindous, Colombes (1924), Chanson de ma mie (1925), Sept Haï-Kaïs (1923). L'année suivante, il signe un article "La musique de jazz" - musique qu'il avait découvert à la fin 1917 avec la Grande Guerre.

Maurice Delage tenait en haute amitié Maurice Ravel. Lorsque celui-ci tombe malade suite à un accident de la route (1934), les Delage soutiennent ouvertement leur ami. Lorsque Ravel se fit opérer en 1937, il s'installa chez le couple Delage. Malheureusement, Ravel ne survécut que quelques jours et mourut le 28 décembre 1937. Delage en ressentit une profonde douleur. L'on peut d'ailleurs faire le rapprochement de son soutien à Ravel et son absence de composition entre 1934 et jusqu'à la guerre de 1939.

Des années 1930 naquirent seulement Deux fables de La Fontaine (1930) et Trois Chants de la jungle (1933).

 

                               

                                                          Maurice Delage devant sa maison

 

Avec la seconde guerre mondiale, Delage reste en sourdine, musicalement car il n'eut pas l'occasion de faire jouer ses oeuvres en public. Avec l’arrivée du national-socialisme, il n'a jamais adhérer au syndicat des artistes, compositeurs, musiciens et interprètes - formalité obligatoire pour être joué – ni collaboré ni pactisé avec les allemands, et pourtant il fut dénoncé pour collaboration le 25 août 1944. Cela lui fit un grand tort et même s’il fut acquitté, ces accusations nu furent pas de bon augure. Aucune de ses œuvres ne fut donc donnée en public, ni radiodiffusée. Il continua néanmoins à travailler, notamment à un format chorégraphique du type « Rhapsody in blue » de Gershwin et rédigea dix-huit textes sur « les origines et l’évolution de la Musique française ». Malheureusement pour nous, ces textes sont aujourd’hui perdus.

Entre août 1944 et début 1947, Maurice Delage entame une traversée du désert : Paris était toujours soumis au rationnement alimentaire, au manque de charbon, il n’y avait ni journaux, seulement la radio… et les Delage recevaient peu de visiteurs à leur domicile. La situation financière est également peu brillante et ils durent mettre la villa en viager avec tout ce qu’elle contient.

L’âge venant, Maurice Delage a une santé de plus en plus précaire et sombre dans la dépression.  Seule la musique lui permet de se maintenir à flot. En 1950, le sort décide de s’enfuir : In morte di un Samouraï est mis à l’affiche du concert inaugural du « Centre de Premières Auditions » au Conservatoire de Musique de Genève.

Delage compose alors sans relâche, donnant naissance à des œuvres graves et denses, les plus puissantes de son répertoire ; le Quatuor en ré mineur, la Suite Française, In morte di un samouraï, le Bateau Ivre et les Poèmes désenchantés. Ces œuvres sont bouleversantes car elles sont le témoignage d’une vie entière dédiée à la musique.

Dans les dernières années de sa vie, Maurice Delage souffre énormément. Rongé par un cancer, il est également atteint de cécité. Dès 1958, tout travail devient très difficile à effectuer, voire impossible. Il ressent alors le besoin de recenser les œuvres qu’il a composé et qui méritent d’être retenues.

A l’occasion de son quatre-vingtième anniversaire, la Société des Amis de la Musique de Chambre organise un concert d’hommage le 18 novembre 1959. Ce fut sa dernière apparition publique. Delage ne sort plus. Il reste cloitré dans sa maison, au milieu de ses souvenirs, attendant que la mort vienne le chercher. Elle survient le 19 septembre 1961.

 

« Comme chez la plupart des grands autodidactes de la musique, on retrouve chez Maurice Delage ce goût du beau métier, de l’œuvre longuement mûrie et amoureusement écrite, avec tout ce que cela comporte de phases pénibles dans la création, de tâtonnements, de reprises. Mais aussi, une fois l’œuvre faite, quelle impression de perfection, d’équilibre, de clarté !(…) Au jardin merveilleux de la musique française, une place de droit lui sera réservée ». (Jean Durbin, La Croix, 9 novembre 1961)

                                                                                                                                                                              

  

©ars-classical - Toute reproduction interdite sans l'autorisation de l'auteur