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Paul Hindemith (1895 - 1963)

 

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Hindemith a longtemps été considéré au sein du monde musical contemporain comme un restaurateur de la musique instrumentale allemande préromantique. Son influence sur les compositeurs des années 1930 a été très importante. Après l’arrivée d’Hitler au pouvoir, il a été accusé d’internationalisme et très vite classé dans la catégorie de « l’art dégénéré ». Pourtant, il reste le seul compositeur, dont l’exubérance optimiste des premières années de la République de Weimar s’affiche clairement dans son œuvre, à l’origine de la tendance moderne de l’Allemagne d’après-guerre.

Personnage réactionnaire et éclectique, Hindemith veut que sa musique soit utile et s’ouvre alors à tous les genres et tous les instruments (il en jouait d’un grand nombre). Compositeur dans l’âme, Hindemith passe néanmoins la première moitié de sa vie comme artiste de concert. 

 

Une jeunesse surdouée :

Paul Hindemith, né le 16 novembre 1895 à Hanau (Hesse) est un enfant surdoué, pratiquant dès son plus jeune âge plusieurs instruments (violon, alto, clarinette, piano). Il étudie la composition avec Arnold Mendelssohn et Bernhard Sekles en 1909 au Conservatoire de Francfort et devient en 1915 le premier violon de l’Opéra de Francfort puis quelques mois plus tard Konzertmeister. Il devient également second violon puis altiste dans le Quatuor Amar, pour lequel il écrit d’ailleurs ses premiers quatuors.

A partir de 1919, il commence à faire connaître ses premières œuvres, très influencées du langage de Brahms, Richard Strauss ou Reger (Quatuor n°1 op.10, In einer Nacht op.15). En 1922, sa renommée se déclenche sérieusement et Hindemith suscite le scandale, se faisant alors la bête noire de la musique, avec plusieurs œuvres : trois opéras en un acte écrits entre 1919 et 1921 (Mörder, Hoffnung der Frauen et Sancta Susanna chargés de références sexuelles, et Das Nusch-Nuschi qui est une parodie moqueuse de Tristan et Isolde), deux pièces pour piano (Tanzstücke op.19 et la Suite « 1922 ») et son premier opéra de réelle importance Cardillac (1926).

 

Un pas vers le passé :

Si ses premières œuvres possèdent un caractère expressionniste, il se rapproche davantage dans les années 1920/1930 du courant de la Nouvelle Objectivité (Die Neue Sachlichkeit) qui s’était développé dans les années de l’après-guerre. Ce mouvement prône le retour à la musique utile (Gebrauchsmusik) en opposition à la conception romantique de la musique. C’est d’ailleurs dans cette optique que fut conçu Cardillac, les Lehrstücke, les Kammermusiken et ses opéras Hin un Zurück (1927) et Neues vom Tage (1928/1929).

Hindemith adoucit son style en incluant des éléments tonaux dans la dureté polytonale qu’il nous avait habitué. Désormais, son œuvre se truffe de libertés rythmiques (Stravinsky), de polytonalité (Milhaud), d’influences du jazz et des bruitistes (Luigi Russolo).

Toutefois, on ne peut pas situer Hindemith proche des structures néo-classiques représentées par Stravinsky mais davantage vers des techniques de composition héritées de la forme-sonate, de la fugue ou du contrepoint digne de l’héritage contrapuntique de l’époque de Jean-Sébastien Bach. C’est pourquoi il est considéré dans le milieu musical comme un restaurateur de la tradition allemande « classique ».

Ce gigantesque pas en arrière assure au compositeur un succès retentissant et dans le même temps un poste de professeur de composition à la Musikhochschule de Berlin (1927).

 

Les temps de guerre :

Hindemith aborde dans les années 1930 un nouveau virage stylistique : il cherche maintenant à réconcilier le public avec sa musique et simplifie dès lors son langage à l’extrême, accessible désormais aux exécutions d’amateurs (Nous construisons un ville, 1930 ; Plöner Musiktag, 1932).

Il se passionne également de plus en plus pour les activités pédagogiques, ce qui l’amène à la publication d’un Traité de composition (Unterweisung im Tonztatz) écrit dès 1933 et publié en 1937. Ce traité fait sensation à l’époque car il se dresse ouvertement contre les théories dodécaphoniques de Schoenberg et les préoccupations atonales de l’Ecole de Vienne.

Comme il se montre fidèle aux préceptes traditionalistes exposés, cela le protège quelques temps de la censure nazie mais il est néanmoins contraint à l’exil et quitte l’Allemagne en 1937.

Musicalement, Hindemith compose essentiellement des œuvres de musique de chambre (Quatuor avec clarinette, 1938 ; Sonates pour piano, pour orgue et pour harpe). Toutefois, le tournant de sa vie se situe avec une œuvre capitale, Mathis le Peintre, crée à Zürich en 1938 et sur un livret du compositeur lui-même. Il s’agit d’un commentaire musical inspiré du Retable d’Isenheim de Grünewald à Colmar.

En 1940, il se fixe aux Etats-Unis où il nommé professeur de théorie à Yale. Il se montre passionné par ses activités pédagogiques et laisse pour le même temps des œuvres à caractère didactique : Ludus tonalis (pour piano) avec comme sous-titre, Kontrapunktische, tonale und Klaviertechnische Ubungen (Etudes ou Exercices contrapuntiques, tonaux et techniques pour le piano). Cette œuvre a la petite prétention d’offrir en 1942, l’équivalent du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.

 

Les dernières années :

Lorsque la guerre est terminée, Hindemith reprend ses activités de concertiste et de chef d’orchestre au Mexique et au Canada avant de rejoindre l’Europe en 1947. Il partage alors son temps entre les Etats-Unis et la Suisse ; il décide de ne plus jamais séjourner en Allemagne. En 1951, il obtient la chair de composition à l’Université de Zürich, qu’il conserve jusqu’en 1957 ; il établit d’ailleurs sa dernière demeure en Suisse en 1953.

Hindemith entame alors sa phase créatrice avec des œuvres de musique de chambre (Sonate pour quatre cors, 1948 ; le Septuor, 1952 ; l’Octuor, 1957/1958, des œuvres symphoniques et chorales (Messe, 1963, cantate Ite, angele veloces, 1953/1955). La symphonie Harmonie der Welt (Harmonie du Monde, 1951) fut agrandie aux dimensions d’un opéra en cinq actes (1956/1957), dont le héros est l’astronome allemand Johannes Kepler.

Ses dernières œuvres sont empreintes d’un contrepoint linéaire qui ne contredit pas l’harmonie tonale et le chromatisme et qui trouve en juste équilibre grâce aux lois acoustiques des sons harmoniques. Le 24 novembre 1963, Hindemith tombe malade au cours d’un voyage qui devait le conduire de Francfort à Berlin. Paul Hindemith s’éteint le 28 décembre 1963 à Francfort-sur-le-main.

 

Le langage musical :

Dans les années 1920, Paul Hindemith est reconnu comme étant le symbole de l’Allemagne d’après-guerre. Les œuvres de cette époque sont redécouvertes depuis quelques années seulement car le compositeur renia ses premières œuvres empêchant parfois leur publication ou leur interprétation.

Cependant, il prend rapidement la tête du mouvement néo-classique, prônant le « retour à Bach », il manie d’ailleurs avec génie la fugue et le contrepoint. Dans le milieu des années 1920, Hindemith écrit une musique moins agressive et atteint un équilibre « classique » au cours des années 1930. Il codifie d’ailleurs sa nouvelle théorie d’une tonalité-élargie.

Après la Seconde Guerre mondiale, il se fait rigoureusement académique et pas de ses œuvres échappèrent à ce style que certains qualifient de stérile.

Sans entrer en détail sur les caractéristiques de son langage musical, Hindemith use à la fois de polytonalité (rarement de l’atonalité) conduisant à des frottements et dissonances âpres, et de « tonalité-élargie ». Ce concept a pour but d’utiliser les douze sons de la gamme chromatique de manière égale mais toujours en fonction d’une tonique centrale, ayant pour conséquence de « supprimer » les modes majeur et mineur. Ainsi, on peut trouver une œuvre écrite en « ut » ou en « ré » sans que le mode soit précisé.

Sur le plan formel, Hindemith fait également un retour en arrière, essayant toujours de faire revivre cet héritage allemand du XVIII° siècle. Ainsi, quand il « construit une Sonate, il ne faut pas la considérer comme au sens romantique où les thèmes s’opposent. La thématique d’Hindemith est vaste mais dépourvue de développement ; c’est-à-dire que si le compositeur décide de développer une idée, c’est davantage en imitations polyphoniques. C’est pourquoi on ne trouve guère de mouvements longs chez Hindemith, à l’exception d’épisodes brefs se succédant les uns aux autres ou de mouvements de variations tel que le permet la passacaille ; une forme qu’il affectionne particulièrement.

 

Les œuvres :

Dans le domaine de la musique de chambre, Hindemith laisse un grand nombre d’œuvres. On répertorie des œuvres destinées au concert, comme les Sonates pour violon, pour alto, pour violoncelle, les Quatuors à cordes, le Septuor à vents en mi bémol majeur (1948) ou l’Octuor en ré majeur pour clarinette, basson, cor, violon, deux altos, violoncelle et contrebasse (1957/1958). Mais on trouve également des œuvres dont la destination est davantage pédagogique, telles les Sonates pour vents et piano : Sonate pour flûte en si bémol (1936), Sonate pour hautbois en sol majeur (1938), Sonate pour cor anglais (1941), Sonate pour clarinette en si bémol majeur (1939), Sonate pour basson en si bémol majeur (1938), Sonate pour saxophone alto en mi bémol majeur (1943), Sonate pour cor en fa majeur (1939), Sonate pour trompette en si bémol (1939), Sonate pour trombone en fa majeur (1941), Sonate pour tuba basse en si bémol majeur (1955).

Dans l’écriture de la musique de chambre d’Hindemith, on distingue plusieurs périodes :

-          1918/1925 : sonates pour instruments à cordes (OP.11-35-31), les quatre premiers quatuors à cordes, Quintette avec clarinette op.30 (1923), Quintette à vents

-          1935/1945 est sa plus grande production. Sonates en duo, Quatuor avec clarinette (1938), Quatuors à cordes n°5 et 6

-          1948/1958 : quelques œuvres encore avec la Sonate pour quatre cors (1952), le Septuor et l’Octuor.

 

La production pianistique du compositeur est également très vaste. On retient un premier groupe d’œuvres relevant de sa période dite « révolutionnaire » : In einer Nacht op.15 (1917/1919), Sonate op.17 (1920). Tanzstücke op.19 (1921), Suite « 1922 » op.26 ; partitions dans lesquelles on retrouve toute la brutalité expressionniste avec des harmonies complexes, polytonales, atonales parfois proche du total chromatique.

La série suivante est celle de la période pédagogique, avec la Klaviermusik op.37 (1925/1927). Toutefois, en 1936, Hindemith écrit coup sur coup les trois Sonates, qui sont une sorte « d’expérimentation » ou d’essai pour sa nouvelle théorie de tonalité-élargie. Ces trois pièces possèdent toutes une tonalité, mais dans le sens hindemithien du terme ; c’est-à-dire que les modes majeur et mineur ne sont pas définis. Ces lois nouvellement codifiées sont largement exposées dans l’œuvre référence de ce manifeste qu’est le Ludus Tonalis (1942), le pendant moderne du Clavier bien tempéré de Jean-Sébastien Bach.

Quant à la production de musique vocale, Hindemith écrit beaucoup pour l’opéra, avec des œuvres à scandales (Mörder, Hoffnung der Frauen, Sancta Susanna, Das Nusch-Nuschi) et à succès (Mathis le Peintre, l’Harmonie du monde) mais aussi des ballets (Nobilissima Visione, 1938) et des pièces sur des textes de Brecht (Lehrstück, 1929), Rilke (Das Marienleben, 1922/1923) ou Mallarmé (Herodiade, 1944). Il laisse également des Lieder sur des textes anciens op.33 pour chœur a capella, des Motets (1941/1960) et une Messe (1963).

Les œuvres symphoniques relèvent, elles, davantage de la suite symphonique (symphonie « Mathis le Peintre », 1934 ; Nobilissima Visione, suite d’orchestre 1937). Il laisse néanmoins des symphonies (symphonies en mi bémol, 1940 ; Métamorphoses symphoniques sur des thèmes de Carl Maria von Weber, 1943 ; symphonie « l’Harmonie du monde ») mais également plusieurs concertos (Concerto pour piano op.36/1, 1924 ; Concerto pour violoncelle op.36/2, 1925 ; Concerto pour violon op.36/3, 1925, Concerto pour alto op.34/4, 1927 ; Concerto pour viole d’amour op.46/1, 1927 ; Concerto pour orgue op.46/2, 1927) et des « musiques de concert » pour de nombreux instruments.

 

Paul Hindemith appartient à la génération suivant celle de Berg et Webern et pourtant il apparaît comme le « classique du XX° siècle » (Joseph Haüssler). Ce décalage entre sa musique et celle qui se diffusait en parallèle (plus dodécaphonique, atonale ou sérielle) nuit à sa diffusion et la montée du nazisme accroît encore ce problème. Pourtant, en trouvant l’équilibre classique qui qualifie ses œuvres à partir de 1933, Hindemith escompte enfin le succès et l’accomplissement.

Considéré comme un « maître classique », Hindemith se situe sur le déclin les dix dernières années de sa vie et mourut ainsi au creux de la vogue. Pourtant, son attachement à la tonalité, bien qu’élargie, le définit invariablement comme un artiste « restauratif ».

                                                                                                                                                                               

 

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